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Je suis queer dans la vie de tous les jours. En tant que personne AFAB dans une situation de vie assez complexe, on me genre énormément en tant que femme cis – au point que même mes proches, et même moi à force, oublions parfois de me voir queer.
Je me considère queer dans ma façon de réfléchir, de parler, d’aimer et de politiser. Dans ma façon d’exister, tout simplement.
Et en même temps, je ne fais pas grand-chose pour le montrer au niveau de mon apparence. Et même si ce n’est pas une obligation, parfois le doute et la dysphorie peuvent me frapper d’un coup.
En lisant Hijab Butch Blues, je me suis rendu compte que ce syndrome de l’imposteur pouvait peser énormément ; encore plus quand on a les pieds entre deux mondes/milieux sociaux. On comprend les deux, on doute des deux, on critique et défend les deux. Et surtout, on finit par vouloir plaire aux deux.
But it hits me hard, the constancy of the burden I carry [...] Even to this crew I have to prove myself
Être trop ou bien pas assez, trouver le juste milieu pour faire partie des deux mondes sans trop en faire non plus.
Une existence multiple qui parfois amène le doute sur une nécessité d’exister, finalement.
Je suis tellement de facettes de moi à la fois. Des identités qui se complètent, se nourrissent entre elles mais qui ne peuvent coexister. Et au final, je ne veux plus rien. Juste qu’on me laisse tranquille. Et exister devient pesant, douloureux et dysphorique. Peu importe le monde que je côtoie sur le moment.
Dans ces instants-là – si je n’ai pas décidé de tout noyer dans un sommeil excessif – je joue énormément.
Pas à des jeux en ligne ou en co-op qui vont me forcer à communiquer avec un monde extérieur.
Plutôt à des jeux où je suis le seul acteur de mes choix, où ma seule interaction est avec des lignes de code, et où surtout je peux pratiquement tout changer (au moins de moi) à ma guise, sans répercussion dans le réel.
Des exemples précis de jeux qui me viennent en tête sont Stardew Valley et, très récemment, Baldur’s Gate 3 – les seuls où j’ai vraiment beaucoup de temps de jeu, finalement.
Un premier élément clé de ces jeux est l’opportunité de se créer un avatar. Une représentation de soi – ou pas – qui viendrait – ou pas – correspondre à une réalité.
Tellement de possibilités s’offrent à nous. Changer de corps, de pronoms ; dans le cas de DnD tel que Baldur’s Gate, changer de race, de classe de combat. C’est un premier élément qui me permet de réexister.
De me renouveler à chaque fois que je le souhaite. (Il m’est déjà arrivé de laisser tomber 40h de jeu et de recommencer, car je me suis lassé de mon "moi" du jeu.)
J’ai eu tellement de corps, de vies dans ces jeux qui me permettent d’exister autrement. Sans avoir à faire attention à ne pas sortir de mon personnage.
L’avatar est une chose assez incroyable, et son attractivité est facilement expliquée : un blank slot qui est tout et rien à la fois. Une infusion de soi, parfois des autres aussi. Un récipient à tes goûts, tes couleurs, qui changent parfois mid-game.
Parfois, on peut l’accompagner de roleplay ou non. Un moyen de forcer son existence. Un endroit de contrôle.
Tu contrôles tes choix, tes interactions, celles des autres, et si quelque chose ne te plaît pas, tu reload, tu delete, tu restart.
Et quand tu as fait le tour de ce que TU voulais voir, tu peux y ajouter encore plus.
"Video game modding is the process of alteration by players or fans of one or more aspects of a video game, such as how it looks or behaves, and is a sub-discipline of general modding"
Encore plus de modification. Plus de customization pour ton avatar ou les PNJ qui t’accompagnent dans ton temps de jeu. Plus de contenu, plus de choix, plus de contrôle que l’on ne peut te retirer.
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Note to self : Je voudrais dans le futur faire plus de recherches sur l’aspect communautaire, social et politique que les fanmods ont pu apporter dans le domaine des jeux vidéo et plus précisément chez les joueureuses minoritaires.
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