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  Il y a un moment, je suis tombé sur une chanson de Kendrick Lamar, Mother I Sober,
  issue de l'album Mr. Morale&The Big Steppers. Il est rare que la musique me mette dans
  un état où je dois tout remettre en question, ne serait-ce que le temps d’une chanson.
  La première fois que j’ai écouté Mother I Sober, j’étais dans les pires conditions
  imaginables pour écouter sérieusement quelque chose : un matin de cours, dans un bus
  bondé, avec un écouteur qui menaçait de tomber de mon oreille gauche. Le morceau passait
  en aléatoire dans ma playlist YouTube. Je me concentre d’abord sur l’instrumentale, puis
  sur le flow très émotif de Kendrick, entrecoupé par la voix féminine qui chante la même phrase
  en boucle. Enfin, des lyrics qui racontent une histoire. Une histoire très intime et précise,
  qui pourtant pourrait se rattacher à celle de tant de gens sur tellement d’aspects.
  Il était 7 h du matin, dans un bus bondé, et je pleurais comme je n'avais pas pleuré depuis
  plusieurs années. Je voulais commencer par ce souvenir, parce que, quand je le raconte, on a
  tendance à sous-estimer l'impact qu’il a eu sur moi. Le soir même, je suis rentré·e et j’ai 
  écouté la plupart de la discographie de Kendrick.
  
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  I wish I was somebody. Anybody but myself.
  
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Un·e rappeur·se racisé·e dans la scène américaine où l’on prône l’argent, le sexe et la drogue
(comme forme de résilience  une réapropriation de nos corps/notre liberté), c’est l’image
médiatique que nous côtoyons au quotidien. Kendrick, dans les différents albums qu’il a sortis
à travers les années, va finir par exprimer une chose que j’ai énormément de mal à trouver chez
la plupart des rappeur·se·s racisé·e·s mainstream que j’ai pu entendre : la vulnérabilité. Cette
vulnérabilité de ne pas aller bien, de ne plus se gérer. Cette vulnérabilité de valider, de
traiter et d’exprimer des émotions qui ne sont pas de la vanité ou de l’indiférence.
Comment exprimer ses émotions ? Ses peurs, ses envies, ses moments de faiblesse. Comment s’exprimer
simplement ? C’est une question que je me pose depuis un certain temps et je pense que je continuerai
de me la poser éternellement. Chez moi, on ne s’exprime pas forcément, que ce soit à l’intérieur,
avec notre entourage proche et notre famille, ou bien à l’extérieur, face à la société et au monde
entier. Je ne parle pas de timidité ou du fait d’être réservé·e avec ses émotions, même si on finit
parfois par devenir l’un·e ou l’autre. Je parle de cette unspoken rule qui nous a inculqué·e·s que moins
on s’exprime, mieux c’est. Cette règle, je la côtoie constamment : chez ma famille, mon entourage
et même au plus profond de moi. Je la subis comme beaucoup depuis l’enfance, puisqu’on subit
une société blanche hétéronormative depuis des générations.

Je n’ai qu’une seule intention en rédigeant ceci. C’est de rendre compte. Rendre compte de mes émotions,
rendre compte de toutes ces personnes queer/racisé·e·s/minoritaires à qui l’on inflige de dissimuler
leurs sentiments depuis la naissance (même dans un cadre intime). Juste de rendre compte. C’est une
chose que je n’ai pas l’occasion de faire, et j’ai donc décidé de le faire ici avec vous tou·te·s,
à cœur ouvert.










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